Articles publiés
Histoire des origines religieuses au pays de l’Eglise-Mère de Tohogne
Tohogne paraît bien avoir été, déjà avant 250, le centre d’une villa agricole. La découverte d’un vase-urne et d’un coutelas sous une dalle de l’église Saint-Martin semble prouver qu’il s’agit d’une sépulture romaine d’avant le IIIe siècle, car après cette époque on n’incinère plus les cadavres. Cet emplacement laisse supposer qu’il était un temple païen, plus tard converti — ce fut courant — en oratoire chrétien ; de plus, un temple était localisé d’ordinaire au centre de la villa, entre la demeure patricienne et l’exploitation proprement dite. La topographie encourage cette hypothèse (l’église est juste au milieu entre la future seigneurie et la grosse ferme de la villa) comme aussi la toponymie : « en dessous de la ville » comprend toutes les terres derrière la ferme et « au mitant de la ville » (arch. par. au XVIIe s.) désignait la petite place au S./O. de l’église. La chose est plus claire encore quand on se souvient de ce que les cimetières romains se situent tous à quelques centaines de mètres des villas.
De l’histoire particulière de cette villa, on ne sait rien de plus. Eut-elle la même destinée que la villa de Vervoz, bâtie au milieu d’un domaine de deux mille hectares, avec galerie ouverte sculptée et avec hypocauste ? Vers 287, lors de l’invasion nordique, la riante demeure de Vervoz fut incendiée et en partie détruite. Un colon s’y installa et consolida ce qui restait. Vers la fin du IIIe s., Maximilien Hercule permit à des Francs de s’établir en colons en certaines régions désertées. Le IVe siècle ne ramena pas le calme ; les Romains construisirent des fortins mais durent, sous les harcèlements continuels, reculer leur ligne jusqu’en 406, date où déferla, irrésistible, le flot barbare.
Mais on peut se poser la question : pendant les trois siècles de « paix romaine », jusqu'à la fin du IIIe siècle, l’Evangile n’a-t-il pas atteint nos populations ?
Sans doute, notre réseau routier était développé ; la population dense, industrieuse, connaissait même des raffinements de luxe en certaines régions prospères. L’organisation missionnaire différait de celle de nos jours. L’Eglise, même à Rome, ne put vivre et s’organiser librement avant le début du IVe siècle. Et, pour les apôtres du christianisme méditerranéen, nos régions étaient presque inconnues. Reims n’eut son évêché qu’au IIIe siècle ; Tongres ne l’eut que du vivant de saint Materne (mort en 314 ?) ou après sa mort. Qui aurait pu parler de l’évangile chez nous ? Les soldats ? Il semble que non : si le Rhin était largement pourvu de troupes, au contraire la Belgica en hébergea très peu, du moins avant le IVe siècle. Cependant, dans la période de paix religieuse entre 275 et 304 (Aurélien-Dioclétien) et surtout vers la fin du IVe s., la propagande chrétienne s’intensifia ; dès le IVe s., on démolit les temples païens à Bonn et le christianisme put être considéré comme la religion dominante des villes rhénanes. A la terrible invasion de 406, l’Evangile passa sur nos routes, très probablement, mais il ne s’arrêta avec succès que dans les centres des gros bourgs.
A la différence des régions situées au nord de la ligne Bavai-Cologne, les très nombreuses colonies franques furent peu à peu absorbées par une population très romanisée. Beaucoup de villas furent détruites, mais les terres restent et les indigènes sont en majorité. Dans les villes comme Namur, Dinant, Arlon, le christianisme, introduit à l’époque romaine, se conserva sans aucun doute. Dans les campagnes, l’évangélisation, qui n’avait été que feux-follets, ne devait pas tarder à être poursuivie. A Tongres, l’évêque Servais eut, sans discontinuité, des successeurs.
Les premières églises.
Dans les villes, d’abord, s’élevèrent les premiers temples chrétiens ; cela ne veut pas dire que chaque église fut paroissiale. Dans les villages plus éloignés de la résidence épiscopale, les églises s’émancipèrent plus rapidement et possédèrent assez tôt leur clergé résidant, ainsi l’église de Saint-Vincent à Dinant et celle de Huy mentionnées en 634. Pour les régions rurales, il est certain que la plupart des églises dites « primaires » ou « majeures » aux XVe et XVIe s. remontent à l’époque carolingienne. En fait, les créations paroissiales rurales d’avant le VIIIe s. sont très rares.
La Foi aborde nos régions.
Le VIIe s., siècle des saints, apporta la pleine lumière dans nos campagnes. Après saint Vaast et saint Géry (de Carignan), saint Eloi, saint Omer et d’autres, saint Amand mérite aussi le titre d’apôtre de la Belgique. Pendant trois ans, il parcourut la civitas Tungrorum (le futur diocèse de Tongres-Liège). De grosses difficultés lui vinrent des membres du clergé de son diocèse ; en 649, le pape saint Martin lui répond en se déclarant accablé à la pensée de « la dureté des prêtres de cette nation qui négligent le soin de leur salut,... que des prêtres, des diacres et d’autres personnes engagées dans l’office sacerdotal se souillent après leur ordination par des actions coupables... ». Nos populations étaient encore en bonne part attachées au paganisme.
C’est le temps de l’ascète saint Monon au pays de Fridier-Nassognia dont on ne connaît rien de très précis (1). Pour la région, peu de sources. On sait qu’en 634 la villa de Han sur Ourthe appartenait en partie à un diacre appelé Adalgisel-Grimo qui, dans son testament, dispose de sa part qui doit revenir à la matricule des pauvres de l’église de Huy.
Le centre du diocèse est devenu Maëstricht (du IVe au VIIIe s.), la résidence principale des évêques ; ils avaient du reste d’autres résidences secondaires : Dinant, Namur, Huy, Givet (2). Deux saints évêques illustrent la deuxième moitié du VIIe s. : saint Théodard (titulaire d’Ouffet) et saint Lambert.
Tout autour de la région se fondent des monastères : Andenne (sainte Begge), Celles (Hadelin), Chèvremont et surtout l’abbaye double de Stavelot-Malmédy.
Politiquement, nous relevions de l’Austrasie ; après les luttes contre la Neustrie, la royauté mérovingienne fut très affaiblie. Les successeurs de Clotaire II et de Dagobert I furent les « rois fainéants » dégénérés et incapables. Le pouvoir était exercé de plus en plus par les maires du palais : Pépin l’Ancien, Grimoald, Wulfoald et Pépin de Herstal (679-714).
Voilà située la période de la fondation des églises chrétiennes de Tohogne et d’Ocquier.
La fondation de l’église de Tohogne (entre 671 et 677).
Saint Remacle, fils d’un chevalier aquitain, après un séjour à la cour luxueuse de Sigebert, se fit moine ; il passa par Cugnon-sur-Semois où sa grotte prétendue est toujours visible ; puis Sigebert III, vers 648, lui donna tout le pays qui entoure Stavelot à 12 milles à la ronde, un domaine d’environ 30 km de diamètre. Cette délimination très vague fut remplacée en 670 par un acte royal de Childéric II réduisant le territoire de moitié vers l’Est et le Sud suivant une partie de la via mansuerisca (chemin de masuirs ou colons, probablement celle de Trèves à Maëstricht), la Warche, le Steinbach, l’Amblève et le Roannay. Cette abbaye double de Stavelot-Malmédy devait avoir de brillantes destinées et reçut très tôt la préséance sur toutes les abbayes d’Austrasie. Saint Remacle resta abbé de Stavelot jusqu’en 671 (mort le 3 septembre ?) (3) et c’est une grossière erreur d’en avoir fait un évêque de Liège.
Ce fut son successeur immédiat, saint Sigolin (671-677), qui érigea les églises de Tohogne et d’Ocquier. C’est du moins ce que porte une chronique provenant de l’abbaye de Stavelot, du XVIIIe s., citée K. 19 au dépôt provincial de Liège. « Saint Sigolin qui a fait bâtir Okiir et Tohogne » (fol. 10).
Qui est saint Sigolin ? Et à quelle date exacte érigea-t-il la paroisse ? Ce personnage, honoré du titre de saint (4), est peu connu. Dans son inventaire des reliques de Stavelot, Dom Fr. Laurenty, prieur de Malmédy en la première moitié du XVIIe s., déclare que le corps de l’abbé Sigolin repose dans l’église du monastère de Stavelot avec ceux de Goduin (677-692) et Albéric.
Ce fut entre septembre 671 et août 677 que le temple païen de l’ancienne villa de Tohogne fut vraisemblablement converti en oratoire chrétien.
Qu’était la villa de Tohogne alors ? Il serait intéressant de connaître l’étendue du domaine parce que les limites primitives des paroisses rurales furent d’ordinaire celles des domaines. Peut-on retrouver celles-ci, comme c’est possible généralement, dans les futures subdivisions politiques ? Il est certain d’abord que la paroisse de Tohogne a engendré depuis l’an 1610 six paroisses : Durbuy, Barvaux, Palange, Jenneret, Houmart, Verlaine. Mais que faut-il penser de cette prétention, ancienne déjà, de la part des curés de Tohogne, de diriger l’église-mère de toute la région, non seulement du ban de Barvaux (un des quatre bans du comté de Durbuy) comme c’est établi, mais de tout le comté et au-delà ? Le doyen Poncin (5) note comme une chose admise par tout le monde en 1730 : « elle a été des plus considérables de ces pays, elle a l’honneur d’être la mère de plusieurs autres églises ses filles, la cure de Grandmesnile, celle de Wérice, celle d’Erezé, celles de Durbuy et de Barvaux sont sorties de son sein... ». Très juste pour les deux dernières ; la chose est moins claire pour les trois autres. On peut dire en tout cas que ces trois cures sont précisément les centres des trois autres bans du comté de Durbuy.
Aux environs. Ocquier doit aussi sa fondation comme paroisse à saint Sigolin ou à ses moines-missionnaires, voire ses moines-évêques comme il s’en trouva à l’époque selon l’organisation irlandaise. On chanta désormaisle credo catholique et les échos ne durent pas tarder à atteindre aux oreilles de toute la région. A ce propos, une légende charmante arrivée jusqu'à nous (6) attribue à quatre forgerons de Soy, qui étaient venus entendre à Tohogne un prédicateur de renom, la gloire d’avoir prêché à Soy et tout à l’entour la bonne nouvelle. On venait en foule de toute la contrée. « Tandis que les moines allaient aux gens de la campagne, écrit le P. de Moreau (7), les gens des campagnes venaient à eux. Ils arrivaient parfois de très loin et en grandes masses. Ils se sentaient, en effet, attirés par les belles cérémonies liturgiques et plus encore par le culte du Saint patron ». Le patron de l’oratoire de Tohogne est saint Martin, comme pour la plupart des églises très anciennement fondées par Stavelot. Est-ce à cette époque lointaine qu’il faut faire remonter ce que la tradition persistante nous dit de « la route des morts », un sentier large arrivant de la vallée de l’Ourthe de Bomal par les campagnes de Herbet et par lequel on amenait les convois funèbres au départ de villages assez distants, de Harre même ? Le fait est que, primitivement, le cimetière était immense. Des travaux ont prouvé que ses limites Ouest venaient jusqu’aux maisons tout au long de la rue montant vers le haut du village.
Très tôt après, l’important vicus d’Ouffet devint chrétien ; dans la suite, il eut son chapitre de Saint-Théodard et prit le titre de concile (ou doyenné) dont nous dépendions. En 692, Papolène de Stavelot érigea la paroisse de Lierneux qui épousait les limites de la villa royale du même nom, acquise récemment au domaine de l’abbaye par donation de Pépin de Herstal (vers 681-690). L’an 714, ce fut la bienheureuse Plectrude, épouse délaissée de Pépin, qui érigea l’église de Xhignesse (après avoir fondé l’abbaye d’Andage, plus tard appelée Saint-Hubert). On prétend même qu’en cette ancienne église de Xhignesse repose le corps d’Anglin, 7e abbé de Stavelot (8). De façon certaine, nous ne connaissons plus de paroisse fondée dans le voisinage avant Charlemagne. Il dut y en avoir, étant donné les citations déjà nombreuses au IXe s. dans les chartes stavelotaines. Le christianisme gagnait beaucoup ; s’il y eut longue persistance de superstitions païennes, on peut croire qu’en 727, à la mort du grand apôtre-évêque de Liège saint Hubert, il devait rester bien peu de païens en Belgique, même dans les terres fiscales de l’Ardenne. Là, grâce aux largesses des souverains et de leurs puissants maires de palais, Stavelot-Malmédy étendit prodigieusement ses propriétés. En 747 surtout, l’abbaye reçut de Carloman un grand nombre de villae d’une valeur considérable : 6 en Condroz et 13 villae autour de Wellin ; dans la seconde moitié du siècle, Lignières et le Wandelaicus mansus (Baillamont ?). Soit dit en passant, une villa de l’époque mérovingienne comprenait des bâtiments de ferme, champs, forêts, pâtis, eaux, moulins, et souvent une petite église ; une population de colons et de serfs était attachée à la terre et inséparable du domaine. Celui-ci était partagé en deux parts : l’une réservée au propriétaire, le chef-manse, l’autre divisée en tenures cultivées par des tenanciers de condition libre ou servile.
Les trois premiers siècles de la paroisse.
Comment se présentait le bâtiment de l’église ? Souvent, les religieux se contentèrent d’un modeste oratoire en bois. Il semble cependant qu’à Tohogne, le temple chrétien fut en pierre (9) ; un archéologue averti remarquait dans le moellonage le plus ancien de l’église un mortier précarolingien fait de chaux, de sable et de briques pilées, et d’une teinte rosée. Le tout fut reconstruit au XIe s. A noter que la première église abbatiale de Stavelot, consacrée en juin 685, était en bois et que la châsse de saint Remacle qui y fut transférée, avait reposé précédemment dans un oratoire dédié à saint Martin et situé en dehors de l’abbaye, on ne sait où.
Toute église devait posséder une dotation. Charlemagne requit que chaque église possédât un domaine entier, c’est-à-dire 12 bonniers ; Louis le Pieux ordonna que l’église devait pour le moins posséder 12 bonniers, une curtis et quatre serfs pour la culture. C’est l’origine du douaire. D’alors datent sans doute ces appellations toponymiques de la campagne de Tohogne : « bonniers Saint-Pierre (saint Pierre est le patron de Stavelot), « terres de la Mère-Dieu » (la vierge est titulaire de l’autel principal de Tohogne), « fontaine Saint-Martin ».
Au domaine foncier, il faut ajouter la dîme dont la pratique ne devint obligatoire que sous Charlemagne, et dont la délimitation sera plus tard l’indice des anciennes paroisses-mères, car sauf le cas de création de paroisses dans les nouvelles villas, les dîmes des paroisses-filles restaient en droit à l’ancienne église. Cette dîme, au moins dans les anciennes paroisses d’avant le IXe s., se divisait en trois portions : pour l’église, les pauvres et les prêtres.
Dès la législation carolingienne, était annexée à chaque paroisse une école où l’on enseignait la lecture, le chant et le calcul. Chacune aussi avait son registre des pauvres, appelé matricule.
Ainsi pourvue, la paroisse de Tohogne eut probablement un prêtre résidant (10) parce qu’elle était éloignée de l’abbaye (comme Wellin fut confié à des prêtres séculiers). La collation en revenait à Stavelot, mais il semble que cela ne dura pas longtemps. La sécularisation progressive de beaucoup de bénéfices ecclésiastiques commença sous les carolingiens qui passent trop facilement pour des bienfaiteurs de l’abbaye de Stavelot. Plus tôt que les églises qui étaient englobées dans le domaine abbatial, Tohogne subit la mainmise du roi et de ses fonctionnaires. En 1130, (11) Tohogne n’est plus cité dans la liste dénombrant les églises à la collation de l’abbé de Stavelot. On y trouve, parmi les églises voisines : Logne, Comblain, Ocquier, Izier, Sprimont, Bras, Odeigne, Ferrières (une copie du XVIIe porte Ouffet). Wéris n’y figure pas ; le document ajoute (en latin) : « Celles qui sont écrites ci-dessous se trouvent dans les anciens documents de l’église, mais nous ne savons pas pourquoi elles ne sont pas données par l’abbé : les églises de Porchrec, de Tohonges... » (Wéris n’y est pas cité non plus.) Donc, anciennement, Tohogne était pourvu de curé par l’abbé ; quand l’abbé perdit-il ce privilège ? Très tôt semble-t-il, car, en 814 déjà, dans une liste confirmée par Louis le Pieux, il n’est plus question de Tohogne.
Sécularisation progressive et naissance de la Féodalité.
Comme le dit le document précité de 1130 dans une copie plus moderne (publiée en latin par A. de Noüe), « Depuis l’Antiquité, l’église de Stavelot réunissait même ceux qui, pour une plus grande part, étaient déjà dépendants du pouvoir séculier ». Les églises fondées dans les domaines restés sous le fisc royal rentrèrent sous le pouvoir du prince quant à la collation et aussi pour la dîme dont un tiers seulement resta au curé. Les biens des paroisses érigées sur les terres données à l’abbaye ne furent pas mieux respectés. Les fonctionnaires, comtes, ministeriales et avoués, de plus en plus puissants, se taillèrent de beaux fiefs et devinrent les comtes d’Arlon, de Namur, Durbuy, etc., ou des seigneurs locaux, car l’hérédité des fiefs avait été sanctionnée au cours du XIe s.
Nous sommes loin de connaître les destinées de chaque paroisse et village du VIIe au XIe s. Le peu qu’on sache de ces époques troublées nous éclaire sur la naissance de la féodalité et la sécularisation des biens des paroisses. En 814, si Louis le Débonnaire confirma certains privilèges du monastère de Stavelot, ce fut à la demande des moines, à la suite de difficultés survenues : « Ils nous ont demandé (à propos) des dîmes et des chapelles qui leur furent transmises par nos prédécesseurs, les chapelles de Theux et de Wéris ; nous ordonnons que personne, à propos des dîmes et chapelles de la congrégation, n’ose prétendre à quelque chose, de supprimer ou diminuer quelque chose. » Puisqu’il est question de Wéris, disons qu’en 1130 cette église n’est pas citée comme étant ou ayant été jamais à la collation de l’abbaye ; d’autre part, à la même date, le presbytère de « Wérices » doit payer « VI den. » de redevance « à la lumière » de Stavelot ; il s’agit sans doute du cens recognitif de propriété, la terre de Wéris et sa chapelle ayant appartenu à la donation primitive de Sigebert, « dans des lieux de vaste solitude, dans lesquels des troupeaux de bêtes sauvages paissent ». Payaient la même redevance les églises de Wellin, « Summe, Heis, Raheries... », ces églises n’étant plus à la collation de l’abbé ; de même la terre de Werices, Olpane, et « celles qui doivent respect à l’autel du bienheureux Remacle... de Homart, X den. » ; à Houmart, les moines possédaient un mansus depuis la donation en 1030 d’un certain Arnould en partance avec l’armée que l’empereur Conrad envoya contre les Hongrois. Il semble donc, en ce qui concerne Wéris, dont la collation n’a jamais appartenu aux moines puisqu’elle n’est pas dans les anciens documents ni dite « transmise au pouvoir séculier », qu’elle est une chapelle avec presbytère résidant nommé par le curé de l’église-mère ou par le collateur de cette dernière. Quelle était cette dernière ? La tradition, qui a persisté sans contestation, dit que c’est celle de Tohogne ; du reste, il est typique que tous les documents relatifs à la longue dispute à propos de la collation de Tohogne lui associent toujours le nom de Wéris, ou le taisent dans dans des expressions comme celles-ci : « la dyme de Thohoingne et de la terre de Durbuy » ou « les dîmes de Tohogne » alors que ces expressions sont absolument équivalentes et parallèles à celles qui stipulent les deux noms : « dîme de Thoogne et de Wériche », « la disme de Tohoigne et de Wyrice » ; tout comme si la collation et la dîme (celle-ci accaparée comme très souvent par le collateur) de Wéris étaient englobées dans celles de l’église-mère de Tohogne.
Quant à la filiation d’Erezée et Grandmenil, le manque absolu de documents ne nous permet pas de l’envisager.
L’antique Vervoz, devenu fisc royal, fut donné à Stavelot ; nous en avons la confirmation de Lothaire II en 862. Il comportait comme dépendances Bende et Wohinne (disparue), en tout 29 tenures avec en plus chacune leur manse seigneurial. Ozo, à la même date, appartient à Stavelot, riche de 15 manses et demi plus le seigneurial. Ocquier fut toujours à la collation de Stavelot, mais sa terre ressortit en 959 au comté de Huy et fut donnée à Liège vers 985 par le comte Ausfried pour passer ensuite au comté de Logne ; le comte Jean l’Aveugle de Durbuy y acquit des droits en 1336.
Les Normands vinrent aussi dans nos régions. Ils ne s’y installèrent pas mais pillèrent tout au passage. Liège fut dévasté puis Cologne, Bonn, Aix et l’abbaye de Stavelot. Les moines, le 6 décembre 881, emportèrent le corps de saint Remacle jusqu'à Borgny, une de leurs villas en France. Ils rentrèrent à Stavelot (qui fut complètement détruit) à la Noël 882. Les Danois-Normands furent battus à Louvain en 892. Ces luttes des rois contre les Normands accentuèrent encore l’inféodation.
En 873, Genedricium (Jenneret) fut confirmé possession de Stavelot. En 932, le comte Albert rendit Odeigne, ravi aux moines dès avant 862, à Stavelot contre « La propriété de Jenneret dans le pays condruse avec toutes ses dépendances, ses serfs des deux sexes, ses chaumières, ses prés, ses forêts, ses moulins... afin de tenir tous ces biens en usage propre pendant les jours de ma vie et afin qu’après ma mort le chef Gilbertus mentionné précédemment, mon frère, les possède de la même manière... ». Dans la suite, Jenneret fit retour à Stavelot ; en 1125, les hommes de Generez déclarent, après ratification de Warner, élu abbé de Stavelot, et de toute la communauté, qu’ils ne doivent plus payer cette redevance dite passagère ; en 1130, 1131, 1135, Generez paie redevance à Stavelot ; « XI domaines sont dans Jenneret » (il fait partie du quartier d’Ocquier au comté de Logne).
En 895, Weseric donne à un de ses vassaux nommé Berting, quelques biens situés « dans le pays des Condruses dans une propriété appelée Hamoir ». Enneilles « sur le cours d’eau Ourthe, domaine IIII » est donné par le vainqueur des Normands, en 887, à un certain Hortmundus, en même temps que 92 manses in Hoblanzia (Havelange). C’est une vraie distribution, à un grand nombre de vassaux, des terres de la région. En 902, le comte Regnier, approuvé par Louis l’Enfant, donna Xhoris, Filot et Awans à Stavelot contre Soraisdas ( ?) et Porcheresse. En 931, Stavelot allégea le fardeau des servitudes en faveur de ses vassaux de Xhoris ; en 1126, la corvée pour « Scorices, Fielon et Oson » consistait en trois transports de chaux « ou de pierres à brûler ».
En 945, un nouveau danger menaça le pays, cette fois à l’Est. Les Hongrois franchirent nos frontières par les Ardennes, forcèrent les moines de Saint-Hubert à s’enfuir. Malmédy dut en souffrir, comme le Namurois et surtout le Hainaut. La randonnée ne dura que 15 jours.
Ce fut le souvenir et la crainte qui provoquèrent le développement des moyens de défense, la création des bastilles. C’est sans doute dès la fin du IXe s. que l’on commença à construire des châteaux fort comme celui de Logne, de Durbuy et bien d’autres, partout où les différents seigneurs trouvaient le terrain propice.
Tous ces exemples locaux d’attribution de fief n’ont pour but que d’illustrer ce phénomène, d’ordinaire assez peu connu, de la féodalité naissante et de montrer que, durant ces siècles troublés, l’Eglise eut beaucoup à souffrir dans ses biens fonciers et décimaux comme dans ses droits de patronage sur les cures et autres bénéfices.
Abbé Germain NINANE
Larges extraits de l’étude publiée dans la « Revue diocésaine de Namur », t. VI, n° 1-2, 1951, pp. 400-427 et intitulée « Préhistoire et histoire des origines religieuses au pays de l’Eglise-Mère de Tohogne »
(étude parue dans « Terre de Durbuy » n° 75 – septembre 2000)
(1) On dit qu’il fut assassiné par des boquillons vers 636 (?).
(2) Liège, en ce temps, était une villa acquise du fisc par l’Eglise de Tongres. Saint Lambert y fit transférer les restes de saint Théodard et y demeurait volontiers. C’est là qu’il fut assassiné et que son successeur, Hubert, amena le corps de saint Lambert. A partir d’alors, Liège prit de l’importance et devint le siège de l’évêché.
(3) Les dates extrêmes entre lesquelles vient se placer la mort de saint Remacle sont le 3 septembre 671 et le 3 septembre 679, voir F. Baix, Etude sur l’abbaye et la principauté de Stavelot-Malmédy, 1924, p. 41.
(4) Honoré le 28 octobre. - Cfr Chevalier : Sources pr. Hist. de Fr.
(5) Poncin, Reg. par., p. 134.
(6) Rapporté par les Fr. Mathieu et Alexis et Tandel.
(7) E. de Moreau, Histoire de l’Eglise en Belgique, t. I, p. 161 (1948).
(8) D. Guillaume, dans Leodium, 1910, p. 14, pense que Xhignesse fut fondée entre 687 et 714. « Quoi qu’il en soit, c’est au plus tard au début du VIIIe s. que la paroisse de Xhignesse prit place dans le vaste territoire neuf , laissé libre jusque là entre les églises de Stavelot et de Lierneux à l’Est et celles de Tohogne et d’Ocquier à l’Ouest ». En ce temps, elle avait juridiction sur les terres de Logne, Vieuxville, Comblain-au-Pont, Fairon, Comblain-la-Tour, Poulseur, Fraiture, Izier, Harre, Saint-Antoine, Ozo, Villers-Sainte-Gertrude, Ferrières.
(9) N.D.L.R. : Cette affirmation sera mise à mal 24 ans plus tard car : « Lors de la restauration de l’église, une campagne de fouilles fut entreprise en 1975 à l’intérieur du sanctuaire. Un niveau d’occupation pré-romane fut rencontré. Il s’étend principalement au secteur occidental de l’église. Ce niveau épouse la pente naturelle du site, incliné d’est en ouest et du nord au sud. Partout, il repose sur l’assise calcaire du sous-sol et se trouve sous-jacent aux murs de l’église. Son antériorité à l’église romane est de ce fait nettement établie. La découverte de fragments de tuiles est significative. Elle détermine la présence d’un bâtiment non identifié d’époque romaine. Cette construction fut apparemment détruite par le feu, avant d’être complètement arasée. Par ailleurs, aucune trace d’un sanctuaire plus ancien ne fut repérée. Le fait étonne car l’ancienneté de la paroisse est bien acquise. Convient-il dès lors d’envisager une destruction totale d’une première église, ou bien son abandon en un autre lieu ? La question des origines du sanctuaire de Tohogne reste posée. » « Sondages dans l’église Saint-Martin », par Mme Alénus-Lecerf, dans Conspectus MCMLXXV, Archaelogia belgica, 1976, pp. 95-99. • Une dernière campagne de fouilles eut lieu durant les mois de septembre/octobre 1976 au lieu-dit « Tombeux » à Tohogne (derrière l’ancienne maison communale). Les tranchées de sondage ouvertes en divers points du site ne livrèrent aucune trace d’implantation d’une nécropole mérovingienne ni, à fortiori, d’un oratoire chrétien originel. L’Abbé G. Ninane en arriva à penser que le véritable site à fouiller était proche ; se référant à la carte de Ferraris, il le situa non loin de l’ancien « Chemin de la Vicomté du Château de Durbuy » : au moment où celui-ci fait sa courbe pour entrer à Tohogne, il traverse le vallon et est rejoint par un très vieux sentier (représenté en pointillés) venant du Sud-Ouest à travers les « Amordins » et les « Deffes ». « Voilà le vrai site » écrit-il dans une note. Cette opinion est corroborée par d’autres faits qu’il serait trop long d’exposer ici. Peut-être un jour, une nouvelle campagne de fouilles lui donnera-t-elle raison !
(10) N.D.L.R. : Ainsi donc, la paroisse de Tohogne eut probablement son prêtre résidant dès sa création (± en 675). Il est permis de penser que cette situation a perduré durant les 13 siècles qui ont suivi. Mentionnons cependant que le prêtre J.-Dominique SIMON — curé à Tohogne de 1793 à 1828 — dut « résider » durant 6 ans dans le fournil du château de Verlaine pendant « le temps orageux et calamiteux de la révolution française ». Le 30 juin dernier, M. l’Abbé Claude FEUCHAUX (curé à Tohogne de 1980 à 2000) a pris sa retraite. A l’heure où nous écrivons ces lignes, la paroisse de Tohogne n’est pas assurée d’encore bénéficier d’un prêtre résidant (qui occuperait le presbytère situé dans l’enclos paroissial). L’espoir d’assurer la relève subsiste, Mgr Léonard étant bien avisé du rôle historique joué par cette paroisse. Mais, vu le manque cruel de prêtres, la marge de manœuvres est faible. Sait-on qu’Ocquier n’a plus de prêtre résidant ?
(11) Halkin et Roland, Cartulaire de Stavelot-Malmédy, p. 306.
REMERCIEMENTS : Un tout grand merci à Madame Nathalie Palange-Delcroix pour la traduction des textes latins figurant dans l’édition originale.
Retour au sommaire
Les vicissitudes du calvaire de l’église romane de Tohogne
Le Calvaire a connu maintes infortunes avant d’être assujetti au mur occidental de la grande nef (en 1984), au-dessus de l’arcade surbaissée (arc de décharge) constituant l’entrée de la grande nef. D’après Peuteman, originellement, avant la reconstruction du chœur en 1682, c’était le Christ triomphal du chœur fixé sur la « trabes » (poutre de gloire) avec ses statues flanquantes traditionnelles de la Vierge et de saint Jean (1).
Nous savons, par le témoignage d’anciens paroissiens, qu’il fut autrefois exposé au cimetière, sous un auvent adossé au mur du local paroissial « Amitié Saint-Martin ». Il s’y trouvait encore le 25 septembre 1906 lors d’une visite de la Société Diocésaine d’Art Chrétien qui constata que les statues de la Vierge et de saint Jean comportaient des traces de polychromie primitive. Le curé Deldef (prêtre à Tohogne de 1880 à 1909) le signale encore au cimetière dans son inventaire de 1908. M. l’abbé Robert Seron (1951-1980) émet l’hypothèse que le curé Freson (1848-1880) ait sorti le Calvaire de l’église pour en faire un Christ de Mission après celle d’octobre 1872. En effet, dans le registre RDF 1, p. 205 (archives paroissiales) – date non indiquée, mais certainement dans les environs de 1872 – ce prêtre note qu’il a fait une souscription en vue de l’érection d’une « chapelle » pour le Christ de Mission. Cette chapelle a coûté en tout la somme de 70,50 F et a été construite à l’extérieur puisque 4,50 F ont été attribués à des ardoisiers. Le curé Rulmont (1909-1937) fait rentrer le Calvaire dans l’église en le plaçant au jubé (construit en 1838). Signalons qu’il figure à l’Exposition « Le Visage de Liège » organisée en la Cité ardente en 1933. Le curé Jacquemin (1937-1951) décide de descendre le calvaire du jubé où il était caché par le buffet des grandes orgues et le débarrasse des couches de surpeint qui le recouvraient. Il trouve asile dans le bas-côté sud, au fond, jusqu’au 9 janvier 1975, date à laquelle toutes les statues sont enlevées du sanctuaire pour permettre sa restauration. Elles sont alors entreposées dans l’ancienne chapelle castrale de Verlaine. En 1978, toutes les statues médiévales et baroques aboutissent à l’Institut Royal du Patrimoine Artistique à Bruxelles pour traitements divers. En 1982, l’organisation d’une vaste exposition appelée « Terre de Durbuy », à Durbuy précisément, est le prétexte pour récupérer ces statues. A l’issue de cette exposition, l’église de Tohogne n’est toujours pas en mesure de les accueillir. Nouvel et dernier abri temporaire : le presbytère de Tohogne. Comme indiqué ci-avant, c’est en 1984 que le Calvaire rentre enfin dans l’église quand les travaux de peinture sont achevés.
Si ces quelques lignes font état de moult déménagements du Calvaire pendant près de sept siècles, il semble évident que bien d’autres « tribulations » ont eu lieu mais nous ne les connaîtrons sans doute jamais. Le bon sens voudrait que ce groupe sculpté conserve son emplacement actuel pour longtemps encore, mais allez savoir ! Heureusement, la monumentalité des trois œuvres est de nature à décourager les voleurs d’art sacré.
Suite aux vols des 28/10/1994 et 16/11/1997, l’église de Tohogne fut fermée en dehors des offices. Les touristes, amateurs d’art et fidèles de passage ne pouvaient donc plus admirer ce Calvaire mosan. A présent, l’église est à nouveau ouverte en semaine et le week-end.
Vous, gens du lieu, qui assistez à la messe, au moment de quitter le sanctuaire, marquez un temps d’arrêt devant le Calvaire : c’est un court moment de bonheur. (2)
François Bellin
(Extrait de l’article paru dans « Terre de Durbuy » n° 67 – septembre 1998)
(1) Tout près de nous, à Ocquier (Saint-Remacle), cette poutre existe toujours mais n’est pas embellie d’un Calvaire. A Bois (Saint-Lambert), par contre, sur la « trabes » sous-tendant l’arc triomphal, on admire un Calvaire (groupe complet) en bois polychrome datant du dernier tiers du XVIe siècle. A Hastière-par-delà (Notre-Dame), même schéma qu’à Bois (Calvaire du XVe siècle).
(2) Il y a une dizaine d’années, le sculpteur bien connu André Willequet de Bruxelles (1921-1998), visitant l’église de Tohogne, fut « magnétisé » par le Christ gothique du Calvaire ; il confia à ses proches : « Je le regarderais des heures durant ! ».
Retour au sommaire
Un monument funéraire et sa curieuse implantation en l’église Saint-Martin à Tohogne
Sait-on que l’église Saint-Martin de Tohogne est la plus grande église romane du 11e siècle ? Sa monumentalité atteint les 33 m et comporte deux fois quatre gros piliers séparant les trois nefs. Sait-on que la paroisse est l’une des plus anciennes du Nord de la province et ce à partir du VIIe siècle ?
Les archives paroissiales nous apprennent qu’on découvrit en 1828 « une belle cave dans l’église au milieu de l’allée entre les premiers bancs ». Dans le sanctuaire, des fouilles furent entreprises en 1975 par le S.N.F., favorisées par la mise en restauration de l’édifice. Les travaux s’échelonnèrent au rythme du chantier. On y découvrit des fragments de tuiles, ce qui détermina la présence d’un bâtiment d’époque romaine mais aucune trace d’édifice préroman. On y découvrit également un édicule situé dans l’axe du vaisseau central et à la hauteur de la seconde travée. C’était la fameuse cave dont parlaient les archives ! Sous le pavement, une épaisse dalle obturait l’escalier conduisant à la chambre funéraire souterraine. Ce caveau est de forme presque rectangulaire et voûté en plein cintre (2,45 m x 1,70 m, hauteur à la clé de voûte : 1,8 m). Les murs et la voûte sont couverts d’un épais crépis où sont tracés certains signes sibyllins. La chambre funéraire était partiellement comblée de gravats mêlés d’ossements. Sous ce remblai gisait intacte la sépulture d’un enfant (inhumation en cercueil sans mobilier).
L’implantation désaxée du monument est curieuse. Tandis que le caveau s’oriente à peu près exactement sur les fondations semi-circulaires du premier chœur de l’église (1) (l’actuel, au chevet polygonal, fut reconstruit en 1682 « a novo, ab ipsis fundamentis » — à neuf, à partir des fondations elles-mêmes —), l’escalier est aligné sur la nef.
La date et l’attribution de cette « cave » sont difficiles à préciser. Son installation a dérangé l’implantation des sépultures et, de ce fait, s’avère bien postérieure à la construction de l’église romane. De plus, l’alignement du caveau sur le chœur originel nous situe avant le 17e siècle. Peut-être cette construction accueillit-elle la dépouille mortelle de Godefroid, 2e comte de Durbuy, décédé avant 1124 et inhumé en l’église de Tohogne (à l’époque église paroissiale de Durbuy). Cependant, le monument est bien postérieur au décès de ce puissant personnage. Il n’est pas exclu de penser que sa dépouille fût transférée en cet endroit.
Pour accéder de façon exceptionnelle à cette « crypte », il a été aménagé une trappe dans le plancher. Les touristes ou même les fidèles du lieu, qui ignorent l’existence de ce caveau, passent au-dessus sans rien deviner. Peu après sa découverte, il fut question de couvrir l’escalier d’accès par une trappe transparente. Le projet d’installation d’un éclairage adéquat ainsi que d’un jeu de miroirs fut envisagé pour être rapidement abandonné.
(1) Le chœur primitif était, en effet, désaxé (vers le Nord) par rapport au vaisseau central (20 cm maximum au départ de l’abside). Viollet-le-Duc dans son Dictionnaire raisonné de l’Architecture, au mot axe, écrit ces lignes : « Dans la plupart des plans d’église du moyen âge, du 11e au 14e siècle, on observe que l’axe de la nef et celui du chœur forment une ligne brisée au transept. » Anomalie inexplicable, faute regrettable, négligence impardonnable aux yeux de l’architecte incrédule ; symbolisme touchant, acte de foi sublime aux yeux de l’architecte chrétien. Que recherchaient les maîtres de ces temps héroïques ? Par la structure même de leur édifice, ils voulaient rappeler la victime du Golgotha attachée sur la croix. La grande nef et le transept représentent le corps et les bras étendus ; le maître-autel : la tête du Dieu immolé. Mais avant de mourir, Jésus inclina la tête. Sacrifiant l’esthétique et le coup d’œil à sa foi chrétienne et à son idéal religieux, le constructeur de certaines églises moyenâgeuses a volontairement incliné le chœur : la tête vers l’épaule. Cette inclinaison du chœur se remarque tout spécialement à la cathédrale de Quimper (en France) et, plus près de nous, à Lobbes (St-Ursmer) et à Tirlemont (St-Germain).
François BELLIN
Article rédactionnel paru dans « Les Annonces de l’Ourthe » le 27/04/2000, n° 17, 55e année.
SOURCES PRINCIPALES :
- Alénus-Lecerf J., « Sondages dans l’église Saint-Martin de Tohogne », dans Conspectus MCMLXXV, Archaelogia belgica, 1976, pp. 95-99.
- Hoppenot, « Le Crucifix », Desclée de Brouwer et Cie, 1906.
Retour au sommaire
Histoire de l'église romane de Tohogne
Plaquette "Histoire de l'église romane de Tohogne" racontée à partir des archives paroissiales, par Robert Seron, Révérend curé à Tohogne de 1951 à 1980
(Extraits des articles rédactionnels parus dans les feuillets paroissiaux et dans "Les Annonces de l'Ourthe" du 13/07/1973 au 16/08/1974). Publication artisanale (20 exemplaires), 1999 .
Le lecteur "Acrobat Reader" est nécessaire (en téléchargement gratuit)
Retour au sommaire
Etude archéologique de l'église romane de Tohogne
Première partie du mémoire dactylographié intitulé "Etude archéologique de quelques églises romanes de la Vallée de l'Ourthe: Tohogne - Wéris - Bonsin - Chardeneux - Vieuxville - Bende"
Institut Supérieur d'Archéologie et d'Histoire de l'Art - Université Catholique de Louvain - Septembre 1970.
par Danielle Schockaert
Le lecteur "Acrobat Reader" est nécessaire (en téléchargement gratuit)
Retour au sommaire
Poésies wallonnes
(en wallon liégeois) de deux illustres Tohognois aujourd’hui disparus : Christophe Théate (1901-1983) et Auguste Ninane (1912-2002)
Le lecteur "Acrobat Reader" est nécessaire (en téléchargement gratuit)
Retour au sommaire
Quelle est l’aînée : Saint-Martin de Tohogne ou Sainte-Marguerite de Grande-Enneille ?
Dernièrement, dans ces colonnes, il a été affirmé que l’église Sainte-Marguerite d’Enneille était plus ancienne que Saint-Martin de Tohogne. Nous avons consulté notre documentation et voilà ce qu’il en ressort :
• L’église Saint-Martin de Tohogne, la seule « integra » de la Terre de Durbuy, est sans nul doute la plus importante et la plus ancienne de la Terre de Durbuy. L’église est romane, exactement de la même structure que Waha (datée de 1050). Sur la date de sa construction, on ne peut émettre que des hypothèses. (…) L’église relève certainement du roman-mosan primitif d’avant la fin du XIe siècle, toujours fidèle à la tradition carolingienne.
« L’ancienne Terre de Durbuy et sa structuration paroissiale »
Abbé Germain Ninane (1970)
• L’église Sainte-Marguerite remonte à l’an mil. La paroisse d’Enneilles fut fondée au VIIe siècle par l’Abbaye de Stavelot. L’Abbaye de Neufmoutier à Huy prit « possession » d’Enneille en 1178. Datant de l’époque romane, elle en a gardé l’aspect sévère, malgré ses multiples restaurations.
«Histoires, contes et légendes du Pays de Durbuy »
Abbé J.-M. Peiren (1980)
• Les cinq travées des nefs de l’église de Tohogne sont bien romanes et appartiennent au XIe s. Tour et chœur ont été reconstruits au XVIIe siècle. (…) Conformation des arcs et des baies, lourdeur des supports et absence d’imposte aux arcades renvoient aux plus vieux témoins conservés de l’architecture mosane. (…) Saint-Martin de Tohogne appartient donc à la 1re moitié du XIe siècle. — La physionomie opaque et le moellonnage rugueux de la tour de l’église d’Enneille ainsi que le canon trapu de la nef ont pu faire croire au remploi substantiel d’une bâtisse romane, datée parfois des environs de l’an mil. Mais rien, aucun élément déterminant, aucun vestige probant n’autorise à reculer si loin l’époque de construction.
«Terre de Durbuy , catalogue d’exposition
J.-L. Javaux (1982)
• L’église de Tohogne, bâtie à la fin du XIe siècle, était romane à l’origine, dans son entièreté. Au cours des temps, elle a connu bien des vicissitudes imputables non seulement à l’usure du temps mais aussi au passage des gens de guerre. La tour et le chœur ne sont plus romans ; les dix fenêtres des bas-côtés, romanes à l’origine, ont été restaurées selon la mode de l’époque, aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles.
(…) Article rédactionnel paru dans « Les Annonces de l’Ourthe le 24/8/72
Abbé Robert Seron
• A Grande-Enneille : un site ravissant sert de cadre à cette mononef romane transformée vers 1704. Bâtie en moellons de calcaire, son chœur relève du style ogival tertiaire (1673). Le clocher est une sorte de vieille tour de défense du XIe siècle. Cette église possède des fonts baptismaux du XIIe siècle à cuve, à quatre têtes d’angle et arcature provenant de l’Abbaye de Neufmoutier (en calcaire carbonifère).
Plaquette « Art Roman en Luxembourg belge » (1984)
De ces deux vénérables églises, quelle est l’aînée ? Qui apportera la réponse définitive et sans bavure ?
François Bellin
« Les Annonces de l’Ourthe » du 6 octobre 1988
Retour au sommaire
Retour d’un saint Martin prodigue
Il a quitté l’église paroissiale de Tohogne, contre son gré, le 28 octobre 1994. Avec quelques compagnons d’infortune : un ostensoir-soleil (retrouvé en mars 1996 à Frasnes-lez-Anvaing), quatre chandeliers en laiton et deux groupes sculptés polychromes – un saint Nicolas de Myre et une sainte Anne trinitaire – datant, comme lui, du début du XVIe siècle.
Il a aussitôt fait l’objet d’avis de recherche, diffusés par l’Abbé Feuchaux et relayés par le Service du Patrimoine de l’Évêché de Liège et le Musée d’Art religieux et d’Art mosan à l’occasion de colloques et de publications.
Retrouvé en 2001 chez un restaurateur de Munich, il a fait l’objet d’une longue procédure avant de se retrouver « chez lui ». La restitution sans dédommagement ne faisait pas problème : l’œuvre appartient au domaine public et est, par conséquent, inaliénable et imprescriptible. Mais la Fabrique d’église, aidée par la Commune, a dû payer les frais engagés par une « restauration » de la sculpture (je mets le terme entre guillemets tant qu’une expertise du travail accompli n’a pas été faite), les frais de procédure, d’avocats et de rapatriement.
J’apprends aujourd’hui son retour en juin 2006 et sa réinstallation solennelle dans une église bien sécurisée.
La cas de ce saint Martin est à méditer : il montre l’importance des déclarations rapides de vols auprès des services de police et de la publicité à diffuser largement et pendant une longue période ; il incite à ne pas perdre espoir : une œuvre d’art, un objet de culte peuvent réapparaître après plusieurs années !
Marylène Laffineur-Crépin
« Eglise de Liège », mensuel diocésain – Septembre 2007
Retour au sommaire
Histoire de l’oratoire de Warre et de ses deux prêtres résidents (1)
Perché sur un promontoire dominant l’Ourthe, à égale distance de Tohogne et de Durbuy, le village de Warre est un hameau dense, aux habitations groupées, souvent mitoyennes. Au début du siècle dernier, celles-ci possédaient encore toutes des dépendances agricoles. Warre, formé de War (garder, défendre, clôturer) signifierait « métairie enfermée ». Il fait partie de la paroisse de Tohogne avec Longueville-Coquaimont et La Haisse et est distant d’environ 2 km de l’église paroissiale.
Michel Cosme, originaire de Warre et installé à Havelange, y exerçait le métier de boulanger et y avait amassé une respectable fortune. Pour rendre plus facile à ses compatriotes l’accomplissement de leurs devoirs religieux, il entreprit de construire à Warre une église et un presbytère en 1888, espérant qu’un jour l’autorité religieuse accorderait, conseillerait même à l’un ou à l’autre prêtre, épuisé par les fatigues d’un laborieux ministère, de venir prendre domicile à Warre. Il escomptait, non sans raison, qu’un prêtre habitué pendant de nombreuses années à remplir les fonctions diverses du ministère paroissial, trouverait, sinon des avantages, du moins de grands agréments et de précieux mérites à administrer spirituellement cette petite portion de la paroisse de Tohogne. Cette église s’élève sur les crêtes d’un rocher qui surplombe l’Ourthe, site merveilleux choisi par Michel Cosme dans le dessein de faire de Warre un petit « Lourdes ». Le sanctuaire (20 m de longueur et 8 m de largeur), il le dédia au Sacré-Cœur de Jésus. (2)
Malgré ses insistances cent fois réitérées auprès des autorités ecclésiastiques, Michel Cosme n’eut pas le bonheur, avant de mourir, de voir se fixer à Warre un prêtre pour desservir en permanence son église, son « rosaire » (3) et le Pusillus Grese.
Dès le début, néanmoins, un prêtre vénérable, originaire de Tohogne, Michel-Joseph Ninane, ancien vicaire de Palange et ancien curé de Grandhan, avait, sous les instances de Michel Cosme, abandonné sa paisible retraite de Biron pour venir habiter avec Michel Cosme et sa femme le presbytère de Warre. Il n’y séjourna cependant que quelques semaines car, lors d’une visite à son frère, il mourut inopinément à Tohogne le 6 décembre 1889, à l’âge de 62 ans.
L’épouse de Michel Cosme, Florentine Demblon, mourut au presbytère de Warre le 26 juin 1900 et son mari, inconsolable, mourut un an plus tard (le 22 septembre 1901) sans avoir vu son vœu réalisé. Sa dépouille mortelle et celle de son épouse furent inhumées dans le cimetière paroissial de Tohogne.
L’église, le presbytère, le « rosaire », la propriété y attenant et quelques terres passèrent aux mains des héritiers qui, pour payer les dettes contractées par Michel Cosme au cours de ses travaux, durent mettre en vente ledit héritage. M. le baron Charles van Beneden, de Bruxelles, docteur en droit, inscrit au barreau de la Cour d’Appel de la capitale, se rendit acquéreur de l’ensemble pour la somme de 9.000 F. L’acte fut passé en l’étude de Me H. Philippart de Durbuy le 8 août 1902. M. van Beneden, homme de lettre distingué, s’était épris de Michel Cosme et de son œuvre ; bien souvent, il l’aida généreusement de ses deniers. Il chercha à réaliser le vœu de celui qu’il considérait comme un « saint » méconnu. Pendant six ans, il frappa sans succès à bien des portes pour procurer un prêtre aux habitants de Warre. De temps en temps, pendant les mois d’été qu’il passait à Warre, comme pour tenir les gens en haleine, il réunissait à l’église quelques personnes avec qui il récitait le chapelet, chantant des cantiques et à qui, parfois, il faisait une lecture pieuse. Néanmoins, tout se détériorait dans cette églisette délaissée : l’intérieur comme l’extérieur était délabré ; le sanctuaire et le presbytère sentaient la moisissure ; un petit harmonium se disloquait au jubé. Dans le courant de juin 1908, Mgr Heylen, Evêque de Namur, se rendit à Durbuy pour administrer aux enfants du canton le sacrement de Confirmation. Dans sa promenade matinale, Monseigneur visita le village de Warre au sujet duquel on avait tant importuné la Chancellerie épiscopale. L’Evêque voulut voir, il vit et s’en revint à Durbuy, tout disposé à accorder au prêtre qui le désirerait l’autorisation de se fixer à Warre pour desservir le village. La Providence intervenait visiblement. A cette fête, à côté de Mgr l’Evêque se trouvait invité un prêtre originaire de Durbuy, l’Abbé Joseph Lefebvre, alors curé de la paroisse de Rendeux-Bas au doyenné de La Roche. Quoique n’ayant pas tout à fait l’âge de la retraite, l’Abbé Lefebvre eut un vif désir d’être le prêtre du Sacré-Cœur de Jésus à Warre. Ayant grandi à Durbuy, il était connu, estimé et aimé des habitants de Warre dont les plus âgés avaient été ses compagnons d’enfance. Certaines difficultés subsistaient ; plusieurs mois furent employés à aplanir celles-ci. Finalement, M. le Baron van Beneden fit une promesse de cession écrite le 1er octobre 1908. Cette promesse, il l’exécuta le 15 novembre 1908 en l’étude de Me Philippart de Durbuy par une cession authentique notariée de l’église de Warre et tout ce qu’elle contenait et acceptée, séance tenante, par Jos. Comblain de Longueville et Edouard Ninane de Tohogne, respectivement président et trésorier de la Fabrique de l’église-mère de Tohogne.
Ministère de M. l’Abbé Charles-Félicien-Joseph Lefebvre (1908-1912) (4)
L’Abbé J. Lefebvre s’installa à Warre le 30 octobre 1908 dans l’ancienne maison Lecrenier située le long de la route de Durbuy, devenue peu après l’Hôtel du Beau-Site (Hôtel Culot) et le lendemain 1er novembre (fête de la Toussaint), il offrit pour la première fois dans le sanctuaire du Sacré-Cœur le Saint Sacrifice de la messe. Bientôt l’Abbé Lefebvre se mit à l’œuvre pour faire la toilette de son église d’adoption (travaux de peinture, réparations des autels, jubé, banc de communion, etc.). Notons ici qu’en mars 1909, une demande d’érection en annexe du Gouvernement fut signée par tous les habitants et envoyée au ministère de la Justice et des Cultes. L’érection fut accordée par Arrêté Royal du 19 août 1909.
Deux statues désirées par les habitants furent achetées par cotisations : celle de saint Quirin et celle de sainte Gode. Elles furent exposées à la vénération publique sur les deux autels. L’avenir vit affluer vers ces deux statues les infirmes de la région pour obtenir la guérison de leurs maux. (5)
Il manquait un Chemin de la Croix. L’Abbé Lefebvre invita quatorze personnes à lui remettre 15 F chacune. Avec cette modique somme et ses propres deniers, il en commanda un à Arras (coût présumé : plus de 1.000 F !). Les deux statues, citées ci-dessus et le chemin de la croix furent bénis par le Doyen de Durbuy le 6 mars 1910 (l’église se révéla trop petite : 150 personnes durent rester dehors).
Le chemin d’accès dit « du Rosaire » étant dans un état désastreux, M. l’Abbé Lefebvre fit appel à tous les hommes (jeunes et moins jeunes) du lieu qui travaillèrent d’arrache-pied pendant trois jours pour réaliser un chemin en pente régulière.
Le 30 janvier 1912, l’Abbé Lefebvre mourut subitement à Warre. L’inhumation eut lieu le 3 février 1912, au cimetière de Durbuy, après un service solennel chanté dans sa chère chapelle.
Il se révéla être un bon gestionnaire, œuvrant sans relâche à l’embellissement de sa chapelle, grâce au concours et aux offrandes des habitants.
Ministère de M. l’Abbé Jean-Baptiste Martilly (1912-1926) (6)
M. l’Abbé Lebfevre étant mort, il fallut pourvoir à son remplacement. M. l’Abbé Rulmont, curé de Tohogne, fit aussitôt appel au dévouement de M. le Doyen Martilly, que des raisons de santé avaient déterminé à solliciter sa mise à la retraite.
Le 17 février 1912, M. le Doyen Martilly arriva donc à Warre et s’installa au presbytère. Bien vite, il ressentit le besoin de faire placer un tabernacle-coffre-fort pour que le Saint-Sacrement y fût conservé. Mais l’autel, tout vermoulu, n’avait pas la solidité nécessaire pour recevoir un coffre-fort. Il acheta pour 300 F chez les R.R. Sœurs de Notre-Dame, à Arlon, un magnifique autel datant de 1820. Un tabernacle-coffre-fort y fut placé, la porte décorée par M. Pauss, artiste-peintre à Liège.
Il fallut aussi trouver le moyen d’appeler les fidèles dans le lieu saint car les deux clochettes existantes étaient à peine entendues par les habitants. Le Doyen Martilly les remplaça par une belle cloche coûtant 200 F ; ce fut son don de « joyeuse entrée ».
1913 – Dans une armoire située derrière l’autel se trouvaient les ornements sacerdotaux et dans de petites boîtes en hêtre, posées sur le pavé, on renfermait le linge sacré. Or, la chapelle, bâtie en pierres du pays, était humide et les ornements étaient exposés à moisir et à se perdre. Pour remédier à cette situation, un poêle fut placé dans la chapelle. L’offrande de la grand-messe de la Toussaint fut consacrée au paiement du charbon, et, les dimanches de grand froid, la chapelle put être chauffée.
Malgré tout, les ornements conservaient en grande partie l’humidité. Alors, M. le Doyen conçut le projet de bâtir une sacristie et de l’adosser à la chapelle. Il fit faire les plans et devis par Désiré Lecrenier, dessinateur à Tohogne. La dépense fut évaluée à 1.211,91 F. C’était une somme importante pour un petit village pauvre. (7) M. le Doyen voulut bien s’engager à régler de ses deniers tout ce qui resterait à payer au-delà des subsides accordés par l’Etat et la Province. L’ouverture des soumissions et l’adjudication publique des travaux eurent lieu le 20 août 1913 chez M. Edouard Ninane, trésorier de la Fabrique. M. Alphonse Leboutte, menuisier à Warre, seul soumissionnaire, fut déclaré adjudicataire pour la somme de 1.200 F. La chapelle étant propriété fabricienne, les travaux furent exécutés au nom de la Fabrique, mais sous la direction de M. le Doyen.
Au cours de la réalisation de la bâtisse, au lieu d’une cave creusée dans tout le sous-sol, on construisit une simple cave à charbon. De plus, les habitants voulurent bien amener à pied d’œuvre, en corvées, les briques, le sable, la chaux et le ciment ; ils ouvrirent une souscription qui s’éleva à la somme de 147 F, ce qui ramena la dépense totale à 900 F.
Il fut procédé à la réception des travaux de la sacristie le 14 décembre 1913 par Désiré Lecrenier, auteur des plans et devis.
Le nouvel autel avait déjà beaucoup contribué à l’embellissement de la chapelle mais pour que celui-ci fût complet, il s’avéra judicieux de placer des vitraux dans les huit fenêtres. M. le Doyen, voyant l’empressement des paroissiens de Warre à le seconder, osa leur exposer son nouveau projet. Il demanda aux familles aisées de faire don, chacune, d’un vitrail au bas duquel leurs noms seraient inscrits ; lui-même offrit d’en donner un représentant son saint patron, saint Jean-Baptiste. M. le Baron Charles van Beneden voulut aussi faire don d’un vitrail représentant son patron saint Charles Borromée, archevêque de Milan, auquel le peintre-verrier donna les traits de Michel Cosme, fondateur de la chapelle de Warre. La chapelle étant dédiée au Sacré-Cœur de Jésus, les autres vitraux reçurent, au centre, de petits médaillons représentant les instruments de la Passion de N.-S. On plaça, du côté de l’Epître : dans le chœur, le vitrail de M. le Doyen ; dans la nef du même côté : le vitrail des habitants de Warre, moins fortunés ; le vitrail de la famille Loneux et celui de M. Alexandre Comblin. Du côté de l’Evangile : dans le chœur, le vitrail de M. le baron Charles van Beneden, à la mémoire de Michel Cosme ; dans la nef du même côté : le vitrail de M. Toussaint Théate ; le vitrail à la mémoire de M. François Loneux-Laurent et le vitrail de M. Osterrath de Tilff, don du peintre-verrier, en reconnaissance des travaux que M. le Doyen lui avait fait exécuter à Vielsalm. Les vitraux du chœur coûtèrent chacun 197 F. Les autres : 90 F chacun.
1914-1915 – Fidèle à la pensée qui le poursuivait de faire encore quelque bien avant sa mort, M. le Doyen entreprit un travail qui semblait au-dessus de ses forces, vu son âge avancé et le peu de ressources du village : celui de construire une belle tour en avant de la chapelle de Warre.
Car il n’y avait qu’un semblant de clocher de quelques mètres de haut, la cloche étant suspendue entre la toiture et le plafond, aussi le son se perdait-il dans les combles et n’était presque pas entendu par les habitants. Il était nécessaire d’élever la cloche au-dessus du faîte du toit : il fallait donc une tour d’une vingtaine de mètres d’élévation. M. le Doyen ne recula pas devant cette entreprise. L’ouverture des soumissions et l’adjudication publique des travaux eurent lieu le 18 mai 1914 chez M. Edouard Ninane, trésorier de la Fabrique. M. Edouard Lecrenier, maçon entrepreneur, soumissionnaire, fut déclaré adjudicataire pour la somme de 4.800 F. Comme pour la construction de la sacristie, l’Abbé Martilly prit devant les autorités supérieures l’engagement de supporter personnellement tous les frais, déduction faite des subsides à accorder par les pouvoirs publics. Mais la guerre ayant éclaté le 2 août 1914 pendant la construction de la tour, l’Etat ne put payer son subside ; la Province seule paya sa part, c’est-à-dire 709 F. M. le Doyen demanda simplement aux habitants de Warre de donner une somme globale de quelques centaines de francs (la souscription s’éleva à 362 F, plusieurs souscripteurs n’ayant pu, à cause de la guerre, payer la somme promise par eux), d’extraire les pierres et le sable nécessaires à la bâtisse et de les amener à pied d’œuvre en corvées.
Les cultivateurs ayant des attelages firent les voiturages ; les autres travaillèrent 4 jours en corvée par famille. MM. Amand et Léon Loneux, Jean Ninane, Jules Henry et Joseph Borlon charrièrent tous les matériaux de construction ; ce sont eux qui, sans contredit, firent la plus grosse part. Les autres se partagèrent l’extraction des pierres et du sable, le chargement et le déchargement des voitures : MM. Edouard Lecrenier, Jos. Herbetot, Léon Gengoux, Alphonse Lacroix, Cyprien Dautet, Camille Dupont, Jules Detaille, Henri Cosme, Camille Materne, Louis et Emile Théate, Henri Gérard, Arthur Krier, Félicien Krier, Emile Kaye, Eugène Dave, Clément Théate, Arthur Roussel, Siméon Grade, Alex. Comblin. Ceux qui n’avaient pas d’attelage ou qui ne pouvaient pas travailler donnèrent 4 F par ménage et une personne 20 F : en tout 50 F qui servirent à payer ceux qui travaillèrent plus de 4 jours en corvée. M. Toussaint Théate voulut payer toute la chaux nécessaire à la construction, soit 85,50 F.
Les dépenses faites pour la construction de la tour s’élevèrent au total à 3.111,13 F. Le coût général n’atteignit donc pas le montant du devis pour deux raisons : à cause des corvées faites par le village et qui peuvent être évaluées à 400 F ; surtout parce que, au cours des travaux, il fut décidé que les pierres de taille au-dessus des deux portes de sortie, aux deux lucarnes et trois abat-sons seraient remplacées par des briques. Le rocher étant à fleur de terre, il ne fut pas nécessaire de creuser les fondations à la profondeur prévue au devis. Mais le mortier, la main-d’œuvre de la maçonnerie et la menuiserie de la tour, de la flèche et du beffroi furent exécutés par MM. Edouard Lecrenier, maître-maçon, et Désiré Lecrenier, architecte, avec toute la perfection qu’il était profitable d’apporter aux travaux de ce genre. Malgré tout, pour combler le déficit, M. le Doyen Martilly dut verser, pour la tour, la somme de 1.613 F.
Il fut procédé à la réception des travaux de la tour le 10 septembre 1914 par Désiré Lecrenier, dessinateur, auteur des plans et devis.
Ainsi donc, peu avant la réception des travaux fut déclenchée la première guerre mondiale. (8)
1916 – En 1916, une installation électrique fut provisoirement établie, de Barvaux à Warre, par Durbuy, par la « Société luxembourgeoise d’électricité ». Le pétrole manquant complètement et le carbure coûtant très cher, on installa l’électricité dans presque toutes les maisons de Warre. M. le Doyen voulut que la Maison du bon Dieu ne le cédât en rien aux autres maisons : il fit, avec ladite société, un contrat de 3 ans (du 01/08/1916 au 01/08/1919) et comme la lumière n’était nécessaire à la chapelle que 100 heures par an, il put jouir d’un prix de faveur : 2 F par mois (52 saluts du dimanche à 40 minutes chacun : 34 h. – 12 saluts de Carême et 12 en mai et aux grandes fêtes : 16 heures – 3 mois d’hiver : 3x25 jours = 75x40’ pour la messe : 50 heures – Total : 100 heures).
Entre les deux contreforts qui soutiennent la tour de la chapelle, il y avait un petit jardin semi-circulaire entouré de pierres de rocher et garni de fleurs et d’arbustes. Il manquait, au-dessus de ce jardin, une statue à adosser à la tour, et dominant toute la vallée environnante. La chapelle étant dédiée au Sacré-Cœur, M. le Doyen acheta chez M. Bonjean de Liège une statue du Sacré-Cœur en béton armé, à l’épreuve des intempéries pour la somme de 168 francs. La souscription ouverte à cette occasion rapporta 100 F malgré les sacrifices faits en faveur des déportés. Le reste fut couvert par les recettes ordinaires.
Etablissement du pèlerinage à sainte Gode – L’année 1916 sera encore marquée par l’institution du pèlerinage à sainte Gode. Depuis plusieurs années, M. le Doyen remarquait que, de toute la région environnante, on venait en pèlerinage à Warre en bien plus grand nombre qu’autrefois et il nourrissait le projet d’instituer à Warre un grand pèlerinage à sainte Gode invoquée contre les rhumatismes et les maladies de la peau. Son projet fut approuvé par M. l’Abbé Rulmont, révérend curé de Tohogne et de Warre. Mais la guerre ne compromettrait-elle pas la réussite de cette entreprise ? Ce fut tout le contraire. En effet, les personnes qui, avant la guerre, allaient en pèlerinage à Romsée-Fléron ne pouvaient plus y aller qu’à grands frais et encore, difficilement, les trains étant très rares pendant la guerre et mal organisés. M. le Doyen invita les curés voisins à annoncer en chaire le pèlerinage, fixé pour chaque année au lundi de la Pentecôte. La messe fut chantée solennellement par M. le Doyen à 9 h. avec le concours de la grégorienne de Tohogne. La foule des pèlerins fut considérable ; on peut l’estimer à près d’un millier de personnes (470 dans la chapelle et plus de 500 dehors). Pour un coup d’essai, ce fut un coup de maître. Il fut décidé, dès lors, qu’on organiserait ce pèlerinage chaque année à la même époque.
1917 – Infatigable, l’Abbé Martilly fit connaître à ses paroissiens son intention d’acheter un bel autel à sainte Gode ; ils en furent tous satisfaits. Il fut commandé aux Pères Salésiens de Liège. Le devis s’élevait à la somme de 650,70 F. Le Doyen offrit 100 F. Il espérait comme produit des collectes, troncs et pèlerinage : 300 F. La souscription de l’Assomption rapporta 186 F. Avec les bonis de 1915 et de 1916, on arriva facilement à payer ce meuble précieux. Ce magnifique autel en chêne, finement sculpté, arriva à Warre le 12 décembre 1917.
1918 – La guerre continuait ses ravages. Les armées alliées, sous la conduite du général Foch, remportaient victoire sur victoire, les hordes allemandes perdant chaque jour du terrain. Les habitants de Warre continuaient l’ameublement de leur chère chapelle. Il existait déjà une chaire à prêcher mais elle était trop massive. M. le Doyen, toujours confiant en la générosité des gens de Warre, leur proposa d’en acheter une autre, en chêne sculpté, plus gracieuse, plus artistique et du même style que l’autel Sainte-Gode. Sa proposition fut bien accueillie. Le projet fut mis sous la protection de saint Joseph et, pendant tout le mois de mars, les dons affluèrent (377,5 F). Les R.P. Salésiens de Liège furent chargés de l’exécution du travail. L’ancienne chaire à prêcher fut transformée en armoire aux ornements de la sacristie.
Le 7 juin, M. le Doyen tomba malade ; une pneumonie grave mit ses jours en danger. Alors, le chapelet fut mieux suivi ; les fidèles vinrent demander sa guérison avec insistance et ils furent exaucés. M. le Doyen recommença à dire la messe le 3 juillet seulement et la récitation publique du chapelet fut curieusement abandonnée.
L’armée allemande fut mise en déroute et l’orgueilleux Teuton fut obligé de s’humilier et de demander la paix. L’armistice fut signé le 11 novembre, fête de saint Martin. Du 8 au 23 novembre, les Allemands repassèrent avec armes et bagages. Il fallut bien les loger. Ils étaient battus mais toujours brutaux, voleurs, pleins de morgue et d’une malpropreté repoussante. Immédiatement après les Allemands, les troupes anglaises défilèrent pendant 12 jours. Ces passages de troupes produisirent comme toujours sur nos populations un effet désastreux au point de vue de la justice et des mœurs.
1919 – L’année 1919 se ressentit fortement du bouleversement produit par la guerre. Bientôt, la vie devint de plus en plus chère au point qu’on regretta presque les prix du temps de guerre. On comprend dès lors que la période n’était pas favorable aux embellissements de la chapelle. Le pèlerinage à sainte Gode fut précédé d’une petite mission (du 1er au 8 juin). Le 9, jour du pèlerinage, le sermon sur sainte Gode fut donné en plein air. Dans le village, à la tour de la chapelle, les drapeaux flottaient gaiement et de magnifiques arcs de triomphe furent drapés aux trois coins du village.
1920 – En 1920, malgré la chute de la main-d’œuvre et des matières premières, une souscription fut entreprise à Warre pour réaliser la polychromie de la chapelle. Peindre celle-ci, c’était la transformer à l’intérieur, c’était le couronnement de l’œuvre. Les paroissiens le comprirent et la souscription s’éleva à la somme énorme de 2.153 F (coût couleur et main-d’œuvre : 1.513 F). (9) Restait l’exécution. M. Meunier, peintre-décorateur à Wasseiges, en fut chargé. Le 19 avril, son maître ouvrier, M. Paul Cambron, arriva à Warre et effectua le travail. Le 19 mai, la peinture était terminée, à la satisfaction générale.
C’est alors qu’eut lieu la construction de la grotte de Lourdes au fond de la chapelle, côté Evangile. Elle fut confiée à M. Edouard Lecrenier, maître-maçon, entrepreneur à Warre. Il réussit à la perfection. La statue de N.-D. de Lourdes achetée à Anvers (200 F) fut bénite par le R.P. Hubin, rédemptoriste de la maison de Tournai. (10)
1921 – Rien de spécial ne fut entrepris, en 1921, pour l’embellissement de la chapelle.
1922 – Les deux fenêtres du chœur étant fort éloignées du chevet, celui-ci était toujours dans l’ombre. Dès lors, il fallait essayer de l’éclairer davantage. De là, la construction dans le mur du chevet (derrière l’autel) d’une rosace avec vitrail. C’est M. Jos. Osterrath de Tilff qui fournit le vitrail représentant le Sacré-Cœur de Jésus (166 F). M. Edouard Lecrenier de Warre fit l’ouverture dans le mur (64 F). En tout : 230 F. (NDLR : cette rosace miniature fut loin d’atteindre le but recherché !)
1923 – En 1923, le mobilier de la chapelle fut considérablement augmenté : 5 candélabres en cuivre doré, 5 collerettes d’enfants de chœur, 6 souches en zinc émaillé pour les cierges de l’autel, plinthes à la sacristie, piédestal à la chaire, tabourets d’enfant , …
1924 – La vie devenant de plus en plus chère, il devint impossible de faire des acquisitions de quelque importance pour la chapelle. Une dépense s’imposait néanmoins : la construction d’un mur en briques au ciment sous la tour côté sud, pour empêcher le courant d’air qui était redoutable et qui refroidissait considérablement la chapelle (65 F).
1925 – Dans le registre originel, deux pages furent supprimées par l’Abbé Rulmont, indique l’Abbé Jacquelin (curé à Tohogne de 1937 à 1951). Nous en ignorons la raison. Ainsi donc, nous n’avons pas de relation relative à cet exercice.
1926 – M. le Doyen Martilly s’éteignit à Warre le 17 février 1926, administré de tous les sacrements. Il fut enterré à Saint-Vincent (Etalle).
L’Abbé Martilly, faut-il le dire, fut un prêtre grand format. Il avait une obsession : rendre la chapelle de Warre toujours plus belle, plus fonctionnelle. Et malgré son âge avancé, il entreprit d’importants travaux un peu de manière téméraire. Et chaque fois qu’il annonçait de nouveaux ouvrages, le même miracle se reproduisait : les paroissiens répondaient de manière enthousiaste. Généreux, il était toujours prêt à éponger la dette par ses propres écus, rivalisant néanmoins d’ingéniosité pour solliciter la générosité et l’énergie de tous ses paroissiens. N’oublions pas non plus de rappeler que c’est lui qui institua le pèlerinage à sainte Gode.
Après la mort du Doyen Martilly, le Rosaire n’étant plus habité par un membre du clergé, cette propriété se délabrait lentement. Le professeur d’Université M. Albert Merten, époux de Gilda van Beneden (fille unique du Baron van Beneden) eut un entretien favorable avec l’Evêque de Namur Mgr Heylen. Suite à cette entrevue, les Pères franciscains de Marche acceptèrent d’assurer le service dominical à la chapelle de Warre. C’est à la Noël 1927 qu’ils assurèrent pour la première fois la Messe de Minuit rehaussée avec brio par le chantre du village, Honoré Théate. En 1939, le village eut le bonheur de voir monter à l’autel un enfant du village, M. l’Abbé Albert Houyoux, fils de Désiré et de Marie Sarlet, ordonné prêtre le 30 juillet à Namur. Il chanta sa première messe solennelle à Warre. Mobilisé en 1939-40, il fut envoyé à l’Université de Louvain où il conquit le grade de candidat en philosophie et lettres. En 1943, il fut nommé professeur de poésie au Collège Saint-Joseph de Virton. En septembre 1945, il fut nommé à Mande-Saint-Etienne, paroisse sinistrée. Pendant ses études à Louvain et son professorat à Virton, l’Abbé Houyoux se chargea de l’administration de son village natal. Ce furent les Oblats de Barvaux qui le remplacèrent.
En 1951, lors de l’arrivée à Tohogne de l’Abbé Robert Seron, ils assuraient encore le service dominical. De 1954 à 1956, ils continuèrent à venir mais ils étaient souvent remplacés par l’Abbé Wenin de Palange, étudiant à Louvain. Le 27 janvier 1957, l’Abbé Seron commença à venir dire une messe à 9 h. 15 (mais pendant cette année, l’Abbé Wenin vint encore l’une ou l’autre fois). Jusqu’au départ de l’Abbé Seron (en 1980), l’Abbé René Forthomme, originaire de Tohogne, ordonné prêtre en 1962, étudiant d’abord à Louvain, puis professeur à Saint-Remacle à Marche et ensuite professeur au Grand Séminaire de Namur, le remplaça à Warre quand il rentrait chez ses parents à Tohogne, du moins chaque fois qu’il le pouvait.
Restauration de la chapelle en 1963 – Madame Merten (fille du baron van Beneden), qui avait apprécié la qualité des travaux entrepris vers 1961 à l’église de Durbuy (sous la direction de M. Wéry de Marche), suggéra de passer par lui pour entreprendre la restauration de la chapelle qui se dégradait. En 1963, un comité consultatif, formé de paroissiens de Warre fut formé de MM. Francis Dallemagne, Antoine Paulus, Gilbert Leboutte, Honoré Théate, François Loneux, René Gérard et Oscar Marchand. Une collecte fut faite dans le village par René Gérard et Marie-Thérèse Krier qui rapporta 15.970 F. Plusieurs réunions eurent lieu. M. Wéry fournit un cahier des charges, un descriptif des travaux, un devis estimatif, établit plusieurs exemplaires de métrés et remises de prix destinés aux soumissionnaires. Ces soumissions furent reçues le 20 septembre 1962. M. Léon Mottet de Durbuy obtint le poste peinture pour 92.485 F. C’est Mme Merten qui choisit les nuances de couleurs. M. Fernand Dujardin de Palenge, l’électricité : 15.132 F. M. Georges Huet de Tohogne, les toitures : 8.635 F. M. Joseph Lecrenier de Tohogne, la menuiserie : 6.530 F. M. Joseph Godefroid de Durbuy, la maçonnerie : 6.650 F. M. Wathelet, plafonnage et plinthes : 7.735 F. M. Lizen, les fenêtres : 4.178 F. La Miroiterie Hanin, Marche : 1.645 F. M. Wéry, les honoraires : 10.000 F. Coût total : 152.990 F. La caisse de la chapelle paya la somme de 43.975 F. Mme Merten payé le solde, c’est-à-dire 109.015 F. A l’occasion des travaux, la grotte à Notre-Dame de Lourdes fut démolie. En outre, bien des statues et peintures furent enlevées ainsi que l’ancien chemin de la croix.
En 1966, un nouveau Chemin de la Croix fut commandé à M. Pierre Peeters, sculpteur à Bruxelles. M. Jean Simons (beau-fils de Mme Merten) remit à M. l’Abbé Seron un reçu de 6.000 F. Sans doute M. Simons paya-t-il le supplément (ce montant n’est pas connu). En 1971 eut lieu la restauration du clocher suite à un coup de foudre qui souffla la plupart des ardoises du clocher. L’assurance paya la somme de 20.240 F. Comme la toiture avait 55 ans, on profita de l’occasion pour réaliser une restauration complète : nouvelles ardoises, remplacement de certaines voliges, tuyaux de descente et placement d’une tabatière. Le reste de la toiture fut aussi rénové. C’est M. Georges Huet de Tohogne qui réalisa ce travail en avril 1970. Coût total : 43.030 F. Enfin, en 1978, Mme van de Vyvère-Merten (fille de Mme Merten) fit placer à ses frais un chauffage dans la chapelle et un réservoir à mazout de 2.500 l dans la remise à charbon.
En 1980, M. l’Abbé Claude Feuchaux (1980-2000) reprit le flambeau. Sous son ministère eut lieu une nouvelle rénovation de la chapelle. La toiture étant en mauvais état, l’entrepreneur tohognois Denis Schrooten rénova les toitures du chœur et du vaisseau en 1992, déplaça le chauffage vers la sacristie et construisit une nouvelle cheminée. Coût : 500.000 F dont 200.000 F pris en charge par la Paroisse, le solde par la Commune de Durbuy. Suite aux infiltrations, le plafond était bien dégradé. Celui-ci et les murs de l’église furent remis à neuf en 1993 par les peintres communaux. Ils employèrent des teintes de style baroque. Trois arbres furent abattus pour donner accès à la chapelle aux véhicules de service.
En 2000, arrivée du Père Jean-Louis Ducamp et, deux ans plus tard, de l’Abbé Gabriel Bombro. Suite à une baisse sensible de la pratique religieuse, une messe y est seulement célébrée les 2e et 4e samedis du mois à 17 h. Subsiste néanmoins le pèlerinage à sainte Gode organisé le lundi de la Pentecôte et qui accueille encore près de 150 dévots chaque année.
(1) Cet article a pour source principale le « Liber Memorialis pour Warre » conservé au presbytère de Tohogne. Les 81 premières pages de ce registre ont été écrites par M. l’Abbé Jacquemin (curé à Tohogne de 1937 à 1951). Il a manifestement recopié les notes et/ou relations des Abbés Lefebvre, Martilly et Rulmont. Nous en ignorons les raisons. A-t-il voulu rendre plus cohérents un ensemble de renseignements fragmentaires ? Les anciens registres étaient-ils abîmés ? Mystère ! En tout cas, c’est avec une méticulosité remarquable que l’Abbé Jacquemin s’est acquitté de cette tâche. Sa contribution personnelle au registre relative à son pastorat tient curieusement en moins d’une page. M. l’Abbé Robert Seron (1951-1980) reprit le flambeau et compléta ce registre d’une dizaine de pages intéressantes lorsqu’il prit sa retraite en 1980. - Dans cet article, nous nous sommes prioritairement attachés à relater (parfois de manière sommaire) quelques faits historiques relatifs à l’oratoire de Warre et, surtout, les travaux qui furent entrepris par les deux prêtres résidents destinés à « l’embellissement » de leur chère chapelle. Le lecteur doit néanmoins savoir que de nombreuses et longues pages du registre abordent les thèmes suivants : listes de souscriptions diverses, devis de travaux, cahiers des charges, recettes/dépenses, les œuvres paroissiales, sacrements, offices, missions, notes concernant le pèlerinage à sainte Gode, situation religieuse, etc. Dans le cadre de ce bulletin, nous ne pouvions être exhaustif.
(2) Voir l’article d’Adolphe Pickart paru dans TdD n° 13, 1985, qui relate la vie et l’œuvre de Michel Cosme.
(3) Chemin de 120 m de long ondulant sous les frondaisons qui relie le village à la chapelle de Warre. Dans le mur de soutènement bordant cet accès, Michel Cosme aménagea des niches en forme de cœur où il représenta à sa façon des personnages naïfs inspirés du Rosaire.
(4) L’Abbé Charles-Félicien-Joseph Lefebvre, né à Durbuy le 31 juillet 1846, successivement vicaire à Bastogne et Thibessart, curé à Freux et à Rendeux-Bas, retiré à Warre-Tohogne le samedi 30 octobre 1908 et y décédé le 30 janvier 1912 à l’âge de 65 ans. Inhumé à Durbuy le 3 février 1912.
(5) Saint Quirin, tribun militaire, était chargé de garder les chrétiens entassés dans les prisons de Rome. Il se convertit. Cela lui valut d’être supplicié : langue coupée, suspension au chevalet, mains et pieds coupés. On l’invoque pour obtenir la guérison des écrouelles, des fistules, des maux de jambes, de la paralysie, des maux d’oreilles, de la morve des chevaux. Sa fête se célèbre le 30 mars. Il est particulièrement honoré à Huy.
Sainte Gode (Gudule) se consacra à Dieu dès son jeune âge. Elle quitta ses parents et se retira dans une villa appelée Moorsel en Brabant où elle put se livrer à la prière, à la pratique des vertus et de la charité chrétienne. On l’invoque pour obtenir la guérison de la goutte, des rhumatismes douloureux dans les muscles de la jambe. Sa fête se célèbre le 8 janvier (jour où elle mourut en 710). Elle est particulièrement honorée à Romsée-Fléron.
(6) L’Abbé Jean-Baptiste Martilly, Doyen émérite, né à Saint-Vincent le 11 janvier 1848, ordonné prêtre en août 1873, vicaire à Neufchâteau le 24 octobre 1873, curé à Champlon le 14 septembre 1881, curé à Jamoigne le 25 septembre 1885, Doyen à Vielsalm le 24 novembre 1891, retiré à Warre-Tohogne le 17 février 1912 et y décédé le 17 janvier 1926 à l’âge de 78 ans. Inhumé à Saint-Vincent/Etalle.
(7) La Fabrique, en effet (et à défaut la commune) est obligée de fournir et d’entretenir les églises des paroisses et les chapelles des vicariats, mais cette obligation n’existe pas en ce qui concerne les chapelles des annexes qui doivent être construites et entretenues aux frais des paroissiens qui en font la demande.
(8) Etat de guerre – Le 2 août 1914, l’empereur Guillaume d’Allemagne déclara la guerre à la France et à la Russie et demanda à notre pays de laisser libre le passage des troupes vers la France, promettant de dédommager la Belgique. Le 3 août, le gouvernement, fidèle aux traités garantissant la neutralité de la Belgique, répondit à l’ultimatum germanique par un refus catégorique qui restera à jamais l’honneur du peuple belge et de son roi Albert 1er. Dès le 3 août, les armées allemandes étaient à Visé. Le 5 août, les Uhlans à cheval passèrent à Warre. Le 6 août, un bataillon d’avant-garde descendit vers Durbuy. Le 8, les Uhlans revinrent vers Liège : c’est que les Français, envoyés pour ralentir la marche des Allemands en Belgique, arrivaient à Marche et à Hotton. Le 8 à minuit, deux escadrons français (150 coloniaux) logèrent à Warre. Tous étaient porteurs de scapulaires et de médailles. Le Doyen Martilly eut à loger le commandant de Villar et le lieutenant Faure. Avant de le quitter, ils voulurent se confesser et recevoir sa bénédiction. Le 9 août, ils devaient marcher sur Liège mais la nuit ils reçurent contrordre et rebroussèrent chemin. Or, les Allemands étaient déjà à Comblain ; encore un peu, une rencontre aurait eu lieu dans nos parages entre les troupes ennemies. Le 9 août, M. le curé de Grandhan, M. Charneux, ayant dû partir pour l’ambulance belge, M. le Doyen Martilly alla dire sa seconde messe à Grandhan ; un escadron français s’y trouvait encore qui battit aussitôt en retraite vers Melreux. Bientôt après, on apprit que Liège, Namur et Anvers étaient successivement tombés au pouvoir des Allemands malgré l’admirable et l’héroïque défense de nos soldats. Puis alors eut lieu la retraite de l’armée belge : une partie se réfugia en Hollande, l’autre, la plus importante, marcha sur l’Yser. L’inondation arrêta la marche en avant de l’armée allemande et dans la suite, ce fut un obstacle infranchissable derrière lequel nos armées résistèrent aux furieuses attaques des Teutons. Le 16 août 1914, passage des fantassins et de la cavalerie allemande (15.000 hommes environ) venant de Berlin, faisant 60 km par jour de marche depuis 5 jours. Le 22 et le 23, on réquisitionna cheval, voiture et voiturier pour conduire les sacs des soldats. L’armée allemande se dirigea vers la Champagne par Maffe et Havelange. (…) Mais revenons à Warre. Le 24 août, ordre du colonel de Bomal de livrer toutes les armes ; défense d’éclairer les maisons le soir ; défense de sonner les cloches après 7 h. du soir ; comme aussi à l’arrivée et pendant le stationnement des troupes. Le mot d’ordre donné à l’armée allemande était : « terrorissez » ! De là, le pillage et les horreurs qui signalèrent le passage des Allemands en Belgique. Aussi, la terreur régnait partout. C’est ainsi que s’ouvrait l’année 1915.
(9) Cette même année, M. le curé Rulmont annonça une souscription paroissiale pour l’achat d’un orgue à placer dans l’église paroissiale de Tohogne et demanda aux paroissiens de Warre leur intervention pécuniaire. Or, depuis sept ans, que de dépenses à Warre pour constructions diverses et pour l’embellissement de la chapelle et le village y avait contribué pour une large part tandis que Tohogne n’y avait contribué en rien. M. le Doyen Martilly fit valoir cette considération à M. l’Abbé Rulmont et Warre, au lieu d’intervenir pour l’orgue, fut invité par M. le Doyen à souscrire pour la polychromie de la chapelle.
(10) Elle fut démolie lors des travaux de restauration entrepris en 1963.
François Bellin
Retour au sommaire
A Warre/Tohogne: Michel Cosme (1843-1901), un "saint" bâtisseur presqu'oublié!
Dépliant A4 recto/verso en 3 volets réalisé en 2001 à l'occasion de la commémoration du 100e anniversaire de la mort de Michel Cosme et distribué à cette époque aux pèlerins de sainte Gode (le lundi de la Pentecôte).
François Bellin
Le lecteur "Acrobat Reader" est nécessaire (en téléchargement gratuit)
Retour au sommaire
|