Eglise romane de Tohogne- Expo(visages) |
Pourquoi tous ces visages?
Ces photographies ont été glanées dans l’exposition qui a été montée en cette église en novembre 2006 pour donner du relief à la fête organisée à l’occasion du retour en notre sanctuaire de la statue « La Charité saint Martin » dérobée il y a 12 ans. Voir à ce sujet la rubrique qui lui est consacrée ; vous la trouverez à la suite de celle-ci. A présent, l’exposition est devenue permanente car elle a pris place dans deux vitrines situées dans les petites nefs. Une mini-expo intitulée "Lumière" l'accompagne désormais. On croit connaître son église, celle qu’on fréquente parfois depuis sa prime enfance. Et pourtant... Depuis si longtemps, elle fait partie du décor. Aussi son image s’est-elle banalisée. Certes, on nous dit qu’elle est unique et on finit par y croire ! Grâce à cette petite exposition, nous avons l’espoir de vous séduire en vous faisant découvrir quelques visages qui se dissimulent parfois dans la pénombre du sanctuaire. Ceux-ci, expressifs à souhait, vous surprendront et vous émerveilleront peut-être. Si tel est le cas, notre pari sera gagné car vous ne verrez plus jamais cette église (ni les autres d'ailleurs) avec les mêmes yeux et vous deviendrez plus sensibles à l’art sacré qui transcende le sentiment religieux. Le calvaire de l’église, groupe sculpté mosan, est le plus ancien de la région. Il s’en dégage une austère et sévère grandeur. Le Sauveur a les yeux clos, le nez pincé, la bouche fermée et amère. Le visage est douloureux. Les fonts baptismaux sont en calcaire bleu de Meuse - Ecole mosane, vers fin XIIIe s. ou début 14e s. Malgré leur taille sommaire, les têtes d’angle sont dotées d’une remarquable qualité d’austère et sévère expression qui varie d’une tête à l’autre et même pour chacun des profils, malgré la rigoureuse symétrie des traits. Elles symboliseraient les quatre fleuves de sagesse de la Bible. Certains y voient la représentation des évangélistes. La chaire à prêcher fut probablement sculptée par Jean-François Scholtus (1708-?), maître sculpteur à Bastogne, fils du très célèbre Jean-Georges Scholtus. Ici on peut reconnaître saint Matthieu en compagnie d'un ange, son attribut. Il retraça la vie humaine du Fils de Dieu parmi les hommes. On le devine songeur, l'humeur grave et l'ange de même. La Vierge habillée, semblable à tant d’autres, n’a jamais attiré l’attention de ceux qui ont étudié nos statues. Néanmoins, elle pourrait dater du XVIIIe siècle. Elle fait penser à N.-D. de Luxembourg, patronne de l’ancien Duché du même nom. L’humeur de Marie, un peu mélancolique, est remplie de réserve, de discrétion. L’Enfant-Jésus est enjoué; il lève fièrement le bras droit et pourtant on perçoit dans cette attitude de la retenue. La cinquième baie du bas-côté gauche, vers le chœur (2,31mx1,35m), a de quoi surprendre; elle est de style gothique flamboyant, datant probablement de la fin du XVe siècle. Peut-être fut-elle placée à cet endroit suite à la bataille de Tohogne qui eut lieu le 3 avril 1490 et qui causa sans doute des dégâts à notre église. Sur la gauche, on peut admirer une magnifique représentation du Sacré-Cœur de Jésus. Son visage, d’une pureté admirable, est un exemple d’harmonie. Son humeur est empreinte d’une gravité sereine. Un sentiment de bonté mêlée d’une indéniable autorité émane de cette représentation. Le visage de Jésus est entourée d’un nimbe crucifère richement orné. Au début du XIXe siècle, après l’occupation française, l’habitude fut prise d’organiser des missions dans de nombreuses paroisses. Des Pères Rédemptoristes étaient invités par le curé et séjournaient une dizaine de jours dans la paroisse. Ils multipliaient les prédications et les exercices de piété. La mission s’achevait par des cérémonies solennelles. Elle se prolongeait par l’installation d’une croix commémorative payée avec les dons des paroissiens. Suite à la mission donnée du 15 au 25 novembre 1891 par des RR.PP. Rédemptoristes, à la demande de M. l’abbé Ferdinand Deldef, curé de la paroisse, une croix de mission fut acquise comportant un Christ en bois (résineux) de style saintsulpicien, sans doute fabriqué «à la chaîne» dans un atelier mosan. Le visage du Christ est grave mais l’expression de souffrance propre à ce style fait défaut. De style baroque, le retable latéral, situé avant la restauration de 1976 dans l’absidiole sud (jadis autel Saint-Sébastien, puis de la Sainte-Vierge, vers 1900), a été restauré et fixé au mur ouest de ce même bas-côté. Un petit ange doré, les bras ouverts, le surmonte. Ses proportions étonnent et c’est peut-être la candeur de l’œuvre de ce sculpteur qui nous séduit. L’humeur est réservée, voire bougonne; les traits bouffis. Dans la sacristie située dans l’abside (derrière l’autel), on peut admirer un vieux crucifix comportant à la base du socle deux petits bustes d’angelots se tournant le dos. Si le sujet est minuscule, il n’en est que plus attachant. L’ange, un rien goguenard, exprime une franche bonhomie. Les peintures muralesLors des travaux de restauration entrepris dans cette église en 1975, on a découvert, dans le vaisseau central, la présence de peintures murales cachées sous de nombreuses couches de mortier de chaux. Après sondages, il s’est avéré que ces peintures étaient très vastes (elles couvrent l’entièreté du vaisseau central, côté nord), et sont parmi les plus importantes de Wallonie (près de 100 m2). En 1981, débutèrent les travaux de dégagement et de conservation de ces peintures par M. Jacques Folville, restaurateur d’art liégeois. Au registre supérieur, les six personnages «haut» sont représentés pieds nus. Il s’agit des apôtres auxquels l’Evangile prescrit d’aller sans chaussures. Ici, c’est Paul (Saül), l’apôtre des gentils, qui présente une large épée à deux mains. Il ne subsiste plus grand chose de la peinture, essentiellement l’esquisse de celle-ci. Néanmoins, en se concentrant, on peut deviner les traits du disciple de Jésus. Il arbore un franc sourire, celui d’un homme épanoui et bon enfant. Au registre médian scrutons une des vingt scènes représentées sur la paroi nord. Il s’agit d’une partie de la peinture murale intitulée «L’Adoration des Mages». Dans le coin inférieur gauche, on distingue la Sainte-Vierge portant Jésus. Si sa chevelure est bien délimitée, ses traits sont à peine visibles. Les rois mages sont tous présents sur cette photo: en haut au milieu un mage médusé; à droite, un mage exalté; en bas à droite, agenouillé, le troisième dignitaire au visage concentré. Au registre inférieur, côté sud, cette scène très altérée représentant la Sainte-Vierge et l’Enfant Jésus, est la reproduction picturale de la statue moyenâgeuse «Sainte Anne trinitaire» dérobée dans cette église en 1994. Les tons ocre de base brouillent la compréhension de la peinture. L’humeur de la Vierge Marie, on ne peut que la deviner. Le petit Jésus esquisse un sourire un peu ébahi; ses yeux noir profond semblent fixer une vue rigolote. La figure de saint Eloi (paroi sud, premier écoinçon) est particulièrement bien conservée. Le patron des forgerons tient dans la main droite une enclume et un marteau. Il est nimbé et mitré. Son visage est couperosé, un rien débonnaire. Il a l’air amusé et est habité d’une grande bonté. Identifiée depuis peu, la sainte, représentée à côté de saint Eloi dans le 1er écoinçon sud, est également nimbée. Il s’agit de sainte Aure, première abbesse de Paris. Elle arbore la croix, son attribut. Ici aussi, on découvre une attitude réjouie. Malgré un nez robuste, elle a les traits harmonieux et sa rayonnante jeunesse n’y est pas étrangère. (commentaires*) Dans les absidioles«A tout seigneur, tout honneur!» Après une absence de 12 ans, suite au vol perpétré le 28 octobre 1994, les paroissiens tohognois ont dû être bien surpris lorsqu’ils ont pu admirer leur saint Martin «new look». Ils l’ont connu peint en brun moyen (imitation chênage) et le retrouvent, comme transfiguré, dans sa polychromie d’origine (voir la rubrique qui suit celle-ci pour de plus amples explications). Ce visage fait partie du groupé sculpté, exécuté vers 1520-30 par le maître du calvaire de Lesve. Son atelier aurait été situé soit en région mosane (Dinant), soit dans le Condroz (Ciney). Le saint à cheval, en tant que légionnaire, porte l’armure et les vêtements à la mode au début du XVIe siècle, ainsi que le chapeau à plumes. Son visage d’avant sa restauration, assez dur et altier, s’est en quelque sorte humanisé au décapage. On le perçoit plus serein, plus proche. Il arbore à la fois un maintien majestueux et compatissant. Christ - Bois polychrome (surpeint) - 40 cm - Atelier du Maître de Waha (ou de Lesve), vers 1530-40 - Naguère placé au sommet du retable latéral nord, il proviendrait du compartiment central d’un antique retable de la Passion où était présentée la scène du Calvaire (à Tohogne même, qui sait?). Les surpeints ne sont pas très heureux, néanmoins la qualité de l’œuvre ne fait aucun doute. - Les traits crispés du visage, le regard mélancolique et la moue de la bouche exprimant la souffrance achèvent de lui conférer une expression pathétique. Saint Eloi de Noyon - Chêne, restes de polychromie, 44 cm - Ecole mosane (sculpteur régional), vers 1520-30. Né dans le Limousin, mort à Noyon en 660. Orfèvre, il fut le maître des monnaies de Clotaire II, puis trésorier de Dagobert 1er. Il fonda le monastère de Solignac (632) qu’il confia à saint Remacle. Il étendit le Christianisme dans le Nord de la France. Il est le patron des orfèvres et des forgerons. - Ici il est représenté mitré. Vu de profil, il dégage une forte impression de bienveillance. Le sculpteur, naïf dans l’âme, a su donner à ce visage un souffle apaisant mais fort de ses certitudes. Tête de Christ (de l’église de Houmart) - Chêne, restes de polychromie et de surpeints - Ecole mosane, fin du XVIe siècle - Cette tête en ronde bosse provient d’un Christ en croix. De forme triangulaire, elle exprime la souffrance et la mansuétude. Ange gardien - Bois peint, 150 cm - Ecole mosane (sculpteur liégeois de l’école de Del Cour), 1707 - Ce groupe important (ange et enfant) montre une des nombreuses représentations de ce thème aux XVIIe et XVIIIe siècles. Poses, gestes, attitudes et draperies se rattachent au baroque liégeois et à la suite de Del Cour. Les spécialistes considèrent que l’œuvre manque de lyrisme. Ici l’ange s’adresse à l’enfant. Il a une attitude assez austère sous des dehors gracieux et attentionnés. Saint Joseph à l’enfant - Tilleul décapé, 75 cm - Ecole liégeoise, 1720-40 - La sculpture se rattache, certes, au baroque liégeois mais dans sa phase d’apaisement. - Ici, saint Joseph paraît songeur. Avec une tendresse infinie, il regarde l’Enfant-Jésus dont il semble deviner le poignant destin. L’attitude du divin enfant est toute de sagesse et de fidélité. Saint Pierre, apôtre - Bois, restes de polychromie, 73,5 cm - Ecole liégeoise, milieu du XVIIIe siècle - Il avait un frère nommé André. Un jour, le Fils de Dieu sur les bords de la mer de Galilée dit à Pierre et à André qui jetaient leurs filets : «Venez à ma suite et je vous ferai pêcheurs d’hommes». Aussitôt, il le suivirent. Il sera toujours mis au premier rang par le Sauveur. Dans les évangiles, saint Pierre est décrit avec une foi vive, une humilité profonde, une obéissance aveugle et une ardente charité. C’est un peu tout cela qui transparaît dans son visage. Le retableUn ange adorateur particulièrement recueilli nous apparaît les mains jointes. Sculpté dans un bois tendre et peint en brun moyen, il est de belle facture. Les yeux mi-clos, il nous entraîne dans une méditation profonde. Il possède son pendant de l’autre côté de l’autel. De multiples petits angelots ailés dirigent leur regard vers une colombe absente sur la photo (représentant le Saint-Esprit) entourée d’un large halo jaunâtre duquel sortent des rayons lumineux irradiant entre autres les angelots qui apparaissent fascinés par cette vision surnaturelle. Au centre de la toile peinte non signée représentant «l’Annonciation de la Sainte-Vierge», le visage rayonnant de Marie nous apparaît. Ses cheveux sont partiellement cachés par un voile. Son attitude est toute de subtilité. Elle a le regard chargé d’humilité, elle exprime des sentiments diffus de surprise et de trouble, de gravité et de dignité, de maturité et de déférence. L’autel a fait l’objet de remaniements importants: le devant, le tabernacle et le trône d’exposition ont été renouvelés au XIXe s. A gauche, nous pouvons admirer une scène visible sur le trône d’exposition. Deux têtes d’angelots (et une kyrielle d’autres, non visibles ici) possédant une écharpe ailée, contemplent religieusement un agneau couché qui maintient en biais une longue croix enrubannée emprisonnée par ses dents et ses pattes avant. Sous le trône d’exposition (faisant office de tabernacle), un angelot polychrome de toute beauté, joufflu et respirant la santé, offre son meilleur profil à notre regard. De larges ailes massives et stylisées entourent et s’élèvent au-dessus de son visage.
(*) Vers l’an 630, sainte Aure (ou Aurea), Syrienne de naissance, se rendit en France. Sa vertu était telle que, quand saint Eloi eut fondé à Paris (en 633), le monastère colombaniste de Saint-Martial (actuelle rue Braque), il choisit Aure pour gouverner les trois cents religieuses qui y prirent le voile. Elle devint ainsi la première abbesse de l’Abbaye. Sainte Aure fut le modèle de sa communauté qu’elle gouverna durant trente-trois ans (avec autant de prudence que de sainteté, dit une ancienne chronique). Un an avant sa mort, elle eut une vision dans laquelle saint Eloi, mort depuis six ans, l’avertissait de se préparer à quitter ce monde. Elle fut emportée par la peste (avec cent soixante de ses religieuses) le 4 octobre 666. Toutes furent enterrées dans le cimetière jouxtant l’église Saint-Paul que saint Eloi avait destiné à la sépulture de la communauté. Une chapelle est consacrée à sainte Aure, rue de Neuilly, à Paris dans le XIIe. On y conserve ses reliques, ainsi que celles de saint Eloi et de saint Ouen. Sources : « Dictionnaire hagiographique, vies des saints et des bienheureux » par l’Abbé Pétin, Tome premier, Paris, 1850 – Site internet : http://fr.wikipedia.org/wiki/Aure_de_Paris.
|
Dernière mise à jour le 15/12/23
|